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Le sérac philosophe
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13 juillet 2015

Les philosophes, les richesses et le mépris de ce qui nous échappe.

      En lisant par hasard quelques points de vue de H. D. Thoreau sur l’argent, les biens et les richesses, qu’il tenait pour choses basses à fuir impérativement, je me souvins à peu près mais d’emblée des propos de François de La Rochefoucauld sur les philosophes et les richesses :

   « Le mépris des richesses était dans les philosophes un désir caché de venger leur mérite de l’injustice de la fortune par le mépris des mêmes biens dont elle les privait ; c’était un secret pour se garantir de l’avilissement de la pauvreté ; c’était un chemin détourné pour aller à la considération qu’ils ne pouvaient avoir par les richesses » (Maxime 54). 

(Le vocabulaire du français classique nous confond un peu sur le sujet des richesses si nous oublions que fortune signifie hasard.)

   La thèse est double mais simple : nous méprisons ce que nous ne pouvons obtenir et nous cherchons une reconnaissance par un biais différent. Jean de La Fontaine en illustre très bien le premier point dans sa courte fable « Le renard et les raisins » (XIème du livre III). Le Renard se trouve devant d’appétissants raisins :

Mais comme il n’y pouvait atteindre : _

« Ils sont trop verts, dit-il, et bons pour des goujats. »

   Spontanément on pourrait donner raison au divin Duc et au fabuleux fabuliste. D’ailleurs, les philosophes ne sont pas exempts d’hypocrisie et de petits arrangements : voir le sujet des plaisirs Blaise Pascal qui les goûta avant de les mépriser et Arthur Schopenhauer qui n’en prônerait le détachement que dans ses livres… Mais comment leur donner raison, au duc et au fabuliste ? Puis-je étendre la thèse du mépris de ce que nous ne pouvons obtenir à tous les cas, du moins à un très grand nombre ? Quelques exemples suffiront à limiter l’extension d’une telle thèse, - mais pas à la réfuter.

   L’opinion exprime souvent le lieu commun selon lequel ceux qui méprisent les homosexuels sont eux-mêmes des homosexuels refoulés. Mais alors ceux qui méprisent les curés ou les hommes politiques sont-ils des curés ou des politiciens refoulés ? Les philodoxes qui méprisent la philosophie sont-ils des philosophes frustrés ? Le mépris met-il à jour nos désirs cachés pour cela-même que l’on méprise ?

   Je ne sais pas. Le risque de procès d’intention est prégnant ici. Néanmoins, le mépris demeure révélateur en ce qu’il montre ce à quoi nous sommes liés, même par la répulsion. Or, pourquoi ne pas choisir l’indifférence ? Pourquoi disqualifier, dévaluer ? N’est-ce pas proprement humain ? Et d'ailleurs, l'existence même du mépris interroge. Car ce n’est pas être indifférent que de mépriser. La véritable indifférence ne se laisse pas aller à ce sentiment, cette attitude.

   Donc plutôt qu’une énième thèse sur la question je préfère adopter une autre attitude, sceptique en l’occurrence, qui me garantit la prudence et, utilement, le détachement. Que puis-je savoir des richesses ? Je n’en ai pas ni ne fais quoi que ce soit pour en obtenir.

 

   Et l’idée de vivre en bonne compagnie et exquise conversation m’échauffe plus le cœur que la possession d’un château, même avec une bibliothèque en sa tour.

 

Le Pseudo-Anaximandre

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