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Le sérac philosophe
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3 septembre 2015

Misère et grandeur de Heidegger

 

Misère et grandeur de Martin Heidegger

      Je n’ai jamais été heideggérien, dans le sens où j’aurais adhéré à l’ensemble de ses thèses, suivi sa démarche (méthode est impropre pour lui), et défendu ses notions (concept convient peu aussi). D’ailleurs si j’ai été quelque chose c’est… on verra plus tard.

   Je n’ai jamais été heideggérien, seulement heideggérophile, ou heideggérisant. Je ne peux cacher mon Etonnement philosophique devant la différence ontologique et sa « quête » de l’être (que je n’ai jamais trouvé). S’il y a de la grandeur chez Martin Heidegger, elle se situe pour moi dans l’être-pour-la-mort, dans la mort comme possibilité de l’impossibilité de l’existence, comme possibilité de la fin des possibles. Elle se situe aussi pour moi dans l’essence de la vérité, qui n’est autre que la liberté, qui n’est autre que laisser-être l’étant ce qu’il est, sans accaparement ; dans l’apérité comme on l’a traduit. Elle se situe aussi pour moi dans l’essence de la technique, cet arraisonnement de l’étant.

   Il y a de la grandeur pour moi car ceci je l’ai pensé-vécu.

   Quant à son approche des textes de la pensée initiale, traditionnellement (donc à tort) nommée-décrétée présocratique, son écoute de la parole débarrassée du legs de la tradition, ou des traditions, demeure intéressante quand bien même elle reste très analogue à la medidatio scriptura, voire à la lectio divina, avec cette différence que Dieu chrétien n’est pas visé. D’ailleurs, Martin Heidegger est bien discret au sujet de sa dette à l’égard de Maître Eckhart… N’est pas déchristianisé qui veut !

   Là n’est pas sa misère ; l’influence de chrétiens sur sa pensée n’est pas unique ; n’en déplaise aux nietzscholâtres…

   La misère de Martin Heidegger surgit en plein milieu d’une page en particulier, dans son texte « La parole d’Anaximandre » qui clôt le recueil « Les chemins qui ne mènent nulle part ».

   Après les détours qui sont propres à sa démarche, à deux ou trois pages de la fin, on arrive à la misérable identification de tout dans tout et réciproquement. Je cite : « L’energeia [en alphabet grec dans son texte, comme tous les mots grecs suivants], pensée par Aristote comme trait fondamental de la présence, de l’éon ; l’idea, pensée par Platon comme trait fondamental de la présence ; le Logos, pensé par Héraclite comme trait fondamental de la présence ; la Moira, pensée par Parménide comme trait fondamental de la présence; le Chréôn, pensé par Anaximandre comme ce qui se déploie dans la présence, nomment le Même ».

 

   Donc tout est présence. Au-delà de cette identification dissolvant les différences et les singularités (très fréquente chez Monsieur Hegel), au-delà de cet effacement des distinctions non seulement de mot mais aussi de « chose » (si tant est qu’il y ait une chose derrière ces mots), la misère tient dans cet accaparement d’une tradition, ou plutôt d’un horizon de pensées initiales, afin de confirmer ses propres thèses. Tout en prétendant être à l’écoute de la pensée de l’Etre, Martin Heidegger s’approprie en les diss

MP 2015

olvant des « notions » si différentes des unes des autres dans le but, si commun, de corroborer ses propres thèses. Il y a comme un arrière-goût amer d'imposture.

 

Là est pour moi la grande misère de Martin Heidegger, car ceci je l’ai pensé-vécu.

Le Pseudo-Anaximandre

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Commentaires
A
Mon propos visait la méthode ou au moins démarche de Martin Heidegger et non quelque thèse à débattre ou à tenter de réfuter. Je ne voulais pas ouvrir une discussion aussi érudite et aussi riche sur l'être chez celui-ci, mais puisqu'elle est ouverte...<br /> <br /> <br /> <br /> Quelques éléments du cours "Problèmes fondamentaux de la phénoménologie" qui suit immédiatement la publication d'Etre et Temps permettent d'abonder dans le sens de Guy et confirmer ma position. C'est bien à partir du langage prédicatif que débute la différence ontologique entre l'être et l'étant, à partir d'une proposition ayant pour copule "est", x "est" y (cette formule n'est pas dans le texte, je simplifie). Or de cette distinction linguistique il passe à la différence ontologique avec ce risque permanent en philosophie qui est d"hypostasier, de substantialiser le contenu de son discours. Enfin, dans les dernières parties de ce même cours, Martin Heidegger lance que le logos d'Héraclite d'Ephèse, c'est l'être; et ceci sans liminaire, sans développement, de la manière la plus péremptoire et dogmatique qui soit. <br /> <br /> <br /> <br /> J'en ai fini sur ce point ayant d'autres allemands à fouetter...<br /> <br /> <br /> <br /> Bien à vous,
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G
Que Heidegger prétende se démarquer de la métaphysique, je le veux bien. Qu'il y parvienne est une autre question. A partir du moment où l'on se réfère à l'Etre - cet Etre fût-il délesté de toute substance et qualificatifs - on se place sur un terrain spéculatif extérieur à toute expérience. Qu'il ne s'agisse pas du "que" mais du "qui" (le Dasein) ne change rien à l'affaire, le danger de substantialisation demeure. Je trouve certaines analyses heideggeriennes valables à la condition d'en repenser complètement les termes, et d'en débarrasser les prérequis, notoirement idéologiques, voire religieux.
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S
Cher Anaximandre, l’être dont il s’agit n’a rien avoir avec l’être aristotélicien de la substance « clôturée », catégorisée. C’est la raison d’ailleurs pour laquelle Heidegger percevra chez Héraclite une union-rassemblement entre « logos-physis et être », une entre appartenance en somme.<br /> <br /> L’être « heideggérien » doit être pensé en corrélation intime avec ce qu’est l’homme (l’être-là), mieux avec « QUI » il est .L’être est l’Ouvert qui se joue dans ce va-et-vient singulier entre le dasein comme « étant » insigne dans cette « entente » singulière.<br /> <br /> Au fond la question essentielle est la suivante : Il ne s’agit pas de répondre à la question « qu’est-ce que ? » qui engage d’emblée une confrontation avec un autre étant et de lister l’ensemble de ces déterminations mais il s’agit de répondre à la question « QUI ? ». <br /> <br /> Enfin, une petite précision « La Métaphysique de l’être ? » n’est en aucun cas l’objectif de la philosophie de Heidegger puisque c’est précisément de la métaphysique que Heidegger veut se démarquer.
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G
A mon humble avis de lecteur approximatif et tourbillonnant - fort peu universitaire et exhaustif - on peut bien soutenir qu'"il y a" mais de quel droit dit-on qu'il y a de l'Etre ? Le saut est absolument injustifiable, Je reste fidèle à Montaigne déclarant que "nous n'avons aucune communication à l'être" et relevant en tout chose l'impermanence, le mouvement, la "branloire pérenne", l'écoulement. Je vois mal comment on pourrait récupérer Héraclite dans une métaphysique de l'Etre.
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A
Chère Sibylle,<br /> <br /> <br /> <br /> Quel beau développement !<br /> <br /> <br /> <br /> Je persiste néanmoins : quand je dis "donc tout est présence", je stipule que "donc tout est présence ici pour Heidegger" (désolé pour cet implicite).<br /> <br /> Je persiste à penser, quand bien même il y a du vaste, du profond et du grand chez Martin Heidegger, qu'il y a aussi de l'étroit, du superficiel et du misérable : cette soi-disant écoute de la pensée de l'être chez les "présocratiques", ou antésocratiques si vous préférez, se construit sur des approximations étymologiques, voire des erreurs grossières (non mais : confondre foudre et éclair chez Héraclite...), et surtout une réinterprétation quasiment falsificatrice de ceux-là.<br /> <br /> <br /> <br /> Quant à votre dernière question : comment penser l'être... ? Mais vous présupposez, chère Sibylle, qu'il y a de l'être... Partons déjà de ce point si vous l'acceptez.<br /> <br /> <br /> <br /> Bien à vous et encore merci pour cette réponse à l’érudition heideggérienne irréprochable.<br /> <br /> <br /> <br /> Amicalement, <br /> <br /> <br /> <br /> "Anaximandre"
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