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Le sérac philosophe
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3 mars 2017

Darwin et les darwiniens - Variation sur Diderot #1

« Tous les peuples ont des faits, à qui, pour être merveilleux, il ne manque que d’être vrais ; avec lesquels on démontre tout, mais qu’on ne prouve point ; qu’on n’ose nier sans être impie, et qu’on ne peut croire sans être imbécile ».

Denis Diderot, Pensées philosophiques, XLVIII

 

- Cette musique, que vous écoutez d’un air concentré sur autre chose, me fait penser à un exposé que j’ai entendu il y a peu et qui relatait des interrogations biologiques…

- Ah ! avons-nous découvert le gène du compositeur ? du mélomane ?

- C’était bien autre chose : savoir quelle place eut la musique dans l’évolution humaine. Soit la musique fut à l’homme ce que la parade est au paon, soit elle fut inutile à son évolution.

- Tranchèrent-ils ? Car la chose est si extraordinaire, la question si hors d’exemple et d’une extrême importance pour l’avenir de l’évolution de l’humanité et de la pensée ! Sans musique, point de reproduction ?

- Comme vous y allez. Ce débat de bio-musicologie est ouvert et m’intéresse car l’évolution a sélectionné certaines musiques et pas d’autres. Pourquoi certaines formes subsistent-elles et d’autres disparaissent ? Comme pour les idées, les vivants…

- Parce que la sélection, d’abord des éleveurs canins, puis darwinienne, concerne aussi les idées, les formes culturelles ? Est-ce le même processus à l’œuvre ?

- Evidemment, la sélection naturelle laisse persister des formes et en élimine d’autres.

- Une loi universelle donc ? Où est-elle formulée scientifiquement ? Avec quelles vérifications ? Après quels tests de validité ?

- …

- Quoi que l’on affirme, quoi qui contredise le moteur de l’évolution, l’évolutionniste y verra la main de la sélection et de l’adaptation du plus apte en concurrence avec d’autres. Même la coopération entre individus, à rebours du modèle concurrentiel, sera récupérée par et pour la sélection, et pourra faire le jeu de la lutte pour les moyens de subsistance.

- Quel raccourci ! L’évolutionnisme aujourd’hui examine bien plus les essais et erreurs des processus vivants, même à l’échelle cellulaire.

Je pressens ici un bien curieux anti-darwinisme. Etes-vous un hurluberlu créationniste ?

- Quelle alternative raccourcie ! Je n’ai rien contre Charles Darwin et ses continuateurs.

L’évolution que vous mentionnez et dont vous faites le sujet d’une action, la sélection, et bien d’une part je la considère plutôt comme un résultat que comme un agent, et d’autre part je la distingue de Darwin qui ne la découvrit pas seul. Je m’interroge sur la place dans le panthéon moderne d’un homme qui ne fut qu’un codécouvreur (le pauvre Wallace…) d’idées sur l’évolution déjà développées par Pierre Louis Moreau de Maupertuis, Georges-Louis Leclerc de Buffon, ou encore Denis Diderot, voire Johann Wolfgang Von Goethe…

L’Eglise avait ses pères ; Darwin en est l’analogue moderne.

- Vous persistez souvent dans ce biais critique. Certes pour l’évolution, mais la sélection naturelle ?

- Déjà chez les éleveurs canins.

Si je ne peux rien juger au sujet de la biologie évolutionniste, je peux juger que la doxa s’en impose et se convainc de tout et de rien avec la sélection naturelle. Et je peux examiner et constater des corrélations entre les catégories utilisées par une théorie et celles qui l’avoisinent dans d’autres domaines de la même époque, voire dans des pratiques économiques. Cette compétition entre espèces ou individus en pleine explosion du capitalisme concurrentiel et à l’aube des compétitions sportives…

Beaucoup de philosophes et de savant ont des théories, à qui, pour être vraies, il ne manque que d’être vérifiées, voire vérifiables, sinon critiquables ; avec lesquelles on explique tout, mais qu’on explique pas ; qu’on n’ose nier sans être blâmé, et qu’on ne peut admettre sans conformisme.

 

- Votre paraphrase de Denis Diderot ne prouve rien contre les théories évolutionnistes que vous semblez critiquer de manière masquée. Et quoi ? Elles n’expliquent rien et ne sont pas expliquées ?

- Je n’invente rien : « ni Darwin ni aucun darwinien n’a jusqu’à présent donné une explication causale effective de l’évolution adaptative d’un seul organisme ni d’un seul organe. Tout ce qu’on a montré – et c’est déjà beaucoup -, c’est que de telles explication pourraient exister, autrement dit, qu’elles sont logiquement possibles ».

- D’où sortez-vous cela ?

- De L’évolution et l’arbre de la connaissance, dans La Connaissance Objective de Sir Karl Popper. Et on ne pourra accuser Sir Karl Popper d’être anti-darwinien, lui qui s’en inspira tant dans sa théorie de la connaissance par essais et erreurs.

- Que dites-vous de tous ceux qui utilisent les concepts ou les idées directrices de l’évolutionnisme en biologie ?

- Je n’ai rien à dire sur ou contre les théories de l’évolution, darwiniennes ou post-darwiniennes. Quant aux darwiniens, j’attends d’eux quelque effort d’accord définitif sur l’hérédité de l’acquis et j’aime leur jolie tautologie sur la survie des plus aptes. Comment vivre si l’on n’est pas apte à vivre ?...

Je ne cherche pas à penser ces théories mais plutôt l’usage que l’on en fait et les recours fréquents à celles-ci pour apporter à son discours quelque scientificité. J’entends bien des choses inlassablement ressassées mais invérifiées voire invérifiables, sur lesquelles on n’entend peu de choses en réalité, et surtout dont on use souvent à proportion inverse de la connaissance qu’on en a.

- Mais si l’on ne peut parler que sur ce que l’on a examiné rigoureusement et à fond, on ne parlera plus de rien ou presque.

- Quelle heureuse issue !

 

Anaximandre

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Commentaires
B
Au niveau relatif Darwin a raison, au niveau Absolu les créationnistes ont raison.
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